Vous photographiez la femme dans un état de nature, le corps nu parmi les feuilles, les écorces et la mousse. Elle y apparaît toujours mi-humaine, mi-animale, comme en passe de se métamorphoser en faune. Comment naissent dans votre esprit ces mises en scène, à quel désir répondent-elles ?
Après avoir passé une année enfermée dans ma chambre à photographier des femmes nues, allongées sur un lit, dans la série "la chambre rose" il m'est apparu évident qu'il fallait sortir, aller dans la forêt, m'égarer, mettre en scène une réalité divine, féline et féminine.
Un hymne au vagabondage en quelque sorte. A la nature. Notre nature.
Ces mises en scène sont la mise en image de la force naturelle et instinctive que les femmes portent en elles.
Revenons sur cette image plus spécifiquement. Le masque ici n'est autre qu'un oiseau qui prend son envol, cachant le visage de la femme. Ses mains se fondent avec les ailes déployées de la colombe. Il y a un mouvement, une immédiateté, qui sont absents de vos autres images, la rendant presque bruyante au regard du reste de votre corpus. Quelles étaient les circonstances de cette prise de vue ? Comment l'avez-vous abordée ?
J'étais en pleine création sur la série "chimère", et j'ai eu envie d'expérimenter autre chose, que l'animal vivant devienne le masque.
J'ai photographié l'instant où le modèle a lâché l'oiseau pour que la femme et l'animal se confondent, s'unissent.
J'ai essayé de combiner le prévu et l'aléatoire. Giacometti, face à ses modèles, avait l'impression que "la tête devenait comme un nuage, vague et illimité"
. Trace éphémère de cet oiseau comme un médiateur entre le ciel et la terre.
Comment travaillez-vous avec votre modèle ?
Ma recherche n'est pas séparée de ma vie. Et j'y mêle mes proches.
J'ai volontairement voulu que ce soit le même corps qui revienne sous des formes différentes.
Mon modèle est une amie. Je voulais que ce soit elle qui incarne cette "femme-animale".
Notre relation de confiance, et notre intimité me permettent d'aborder mon travail avec beaucoup de liberté.
Elle a une connaissance de mon univers, ce sont des moments si particuliers, surtout lorsqu'on aborde la nudité. Dans la nature.
Pourquoi avoir fait le choix constant de photographier avec le format carré du 6 x 6 et, pour ce travail, du noir et blanc ?
Je travaille avec un Rolleiflex. Pour moi c'est un objet magique, un boîtier de mélancolie on pourrait dire.
J'aime charger mon film, n'avoir que 12 vues, attendre, découvrir.
Ma photographie est "humaine", et c'est une sensation que je n'ai pas avec le numérique.
Le choix du noir et blanc accentue le côté irréel, car la vie est en couleur...
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.