Comment décririez-vous votre style ?Nous pourrions décrire
notre écriture par ces quelques caractéristiques :
surimpression, strates successives, agencements composites, complexité,
recouvrement, sérigraphie…
Et ces quelques notions : confrontation,
simultanéité, double lecture, temporalité, mutation, variation,
reformulation successive…
Quelles sont vos principales sources d'inspiration (artistes, graphistes, autre) ?Nous
apprécions François Morellet, Tomi Ungerer, Duane Michals, Giotto, Sol
LeWitt, Pierre Huyghe, Flannery O'Connor, Booba, Andreï
Tarkovski, Anders Petersen, Bruno Munari, Ingmar Bergman, Riad Sattouf…
dans un joyeux désordre, et la liste pourrait être longue…
Que pouvez-vous nous dire sur les 2 œuvres exposées chez ArtLigue ? Elles
juxtaposent et font se confronter des champs / matières que nous aimons
bien faire se rencontrer : photographie (du réel) et géométrie,
figuration et abstraction. Elles engagent une double lecture, soit
simultanée, soit différée selon la distance à laquelle on regarde
l'œuvre.
Quel a été votre processus de création pour ces œuvres ? Est-il à l'image de votre démarche habituelle ? Votre mode créatif diffère-t-il selon la nature des projets (artistiques, commandes, expérimentaux) ?Notre
processus de création est le même qu'il s'agisse de projets artistiques
ou de commande. Il est toujours le résultat de "contraintes". L'art et
le design graphique ne sont pas des disciplines d"'imagination gratuite"
comme voudraient nous le faire croire certaines visions romantiques
tenaces, mais bien plutôt une confrontation constructive avec des
contraintes, qu'elles soient externes (programme de commande, cahier des
charges, contraintes techniques de production…) ou internes (protocoles
de création, règles du jeu…).
Quel regard portez-vous sur la création graphique actuelle ?Il
y a énormément de choses, pour le meilleur et pour le pire… On peut
remarquer qu'il y a aussi une mondialisation des écritures graphiques,
beaucoup de choses finissent par se ressembler… de plus en plus
d'images, de moins en moins de singularité.
Pour vous, existe-t-il une frontière entre art et graphisme ? Si oui, où la placez-vous ?Est-ce que le graphisme doit entrer dans le champ de l'art ou en fait-il déjà parti ?S'il
y a une frontière, elle est très poreuse. Le graphiste est un "artiste
appliqué" : il traduit en images le propos d'un commanditaire. Mais
comme tout interprète, il contamine nécessairement ce propos de sa
subjectivité, de sa vision, de ses convictions politiques et
esthétiques. Le graphisme, en tant qu'art appliqué, fait donc bien
partie du champ de l'art dans son sens large, au même titre que le
design, l'architecture, la mode… Mais ce débat nous occupe assez peu, il
débouche trop souvent sur des (im)postures et des questions de
légitimité … Nous pratiquons le design graphique avec une approche
d'artiste, et l'art avec une approche de designer graphique. C'est
quelque chose de très français que de vouloir à tout prix créer un fossé
entre arts appliqués et arts plastiques. En ce sens, nous nous sentons
proches d'artistes / designers comme El Lissitzky, Bruno Munari, Paul
Rand, Tomi Ungerer… qui passaient allègrement les frontières, sans
changer de posture, avec intelligence et générosité.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.