Les photographies de la série Forest résultent de votre exploration une forêt particulière. Quelle est-elle et qu'est-ce qui vous y a attiré ? Cette
forêt est située au Japon, elle est devenue célèbre depuis son
classement par l’Unesco. Elle a survécu grâce à son isolement. On y
trouve l’une des plantes les plus anciennes encore en vie : un arbre
qu’on dit avoir 7 000 ans. Je me suis trouvé attiré par cette forêt
suite à une brève expérience que j’ai eue dans l’Amazonie il y a des
années. La forêt, en termes sonores, est l’exact contraire de la vie à
New York, mais visuellement elle dégage cette même forme de sérénité
chaotique que l’on peut ressentir en ville. Chaque élément vivant est un
mais fait également partie d’un tout, s’intégrant dans un cycle qui le
dépasse.
Parallèlement à cette série sur la forêt, vous avez
réalisé un travail sur des jardins urbains ; ils semblent parcourus d’un
souffle vital, les feuilles des arbustes bruissent et la végétation,
partout, semble grimper, dans un désordre que l’on n’attend pas au pied
d’immeubles de brique. Quelle est leur histoire ? Cela fait des
années que je photographie les terrains vagues abandonnés de Brooklyn.
Ayant vécu dans un de ces quartiers, ces jardins faisaient partie de mon
environnement personnel. Les mauvaises herbes étaient tellement hautes
qu’elles masquaient en partie les détritus et les chats de gouttière.
Puis, un beau jour, ces terrains vagues se sont métamorphosés en
« appartements de luxe ». Manhattan a également connu cette
transformation, surtout dans les quartiers autrefois modestes tels que
Harlem ou le Lower East Side ; des quartiers qui ont par la suite attiré
des esprits créatifs de toutes sortes ayant contribué à faire vivre des
jardins communautaires. Les artistes étaient les seuls à pouvoir
envisager que ces terrains vagues puissent devenir jardins. Au cours des
décennies, beaucoup ont été remplacés par des constructions, mais
certains ont subsisté et demeurent ces oasis dans la ville. De tous
temps, l’aménagement urbain a été en conflit avec la nature : il cherche
à détruire les arbres, les plantes, les mauvaises herbes, mais ces
photographies démontrent que, parfois, le végétal l’emporte.
Dans ces deux séries, comme dans la photographie Garden, Takamatsu,
vous abordez deux versants de l’état naturel, en milieu urbain et à
l’état sauvage, et pourtant ces deux ensembles semblent parler d’une
même voix, celle d’une nature libre et puissante. Comment avez-vous
abordé ces deux environnements ?Je perçois la forêt comme une
communauté ancienne, quand je m’y trouve, je la ressens et la vois telle
une œuvre d’art ou un animal sauvage. Les expériences que j’ai vécues
au cours des deux projets sont finalement similaires : ces deux univers
me sont très précieux, c’est comme si je visitais un conte de fées
personnel, qui raconte ce que la nature est capable d’offrir et ce que
nous, les hommes, pouvons en faire.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.