La scène est maintenue dans un état intermédiaire, entre apparition
et disparition. La profondeur de champ définie, la précision, et donc la
description d’un moment particulier, n’existent pas dans vos images. Ce
sont les fondements du médium photographique que vous questionnez ? Ce
que je questionne est cette idée commune selon laquelle la photographie
est vérité. Mon travail traite de l’idée que la réalité n’est ni
saisissable ni compréhensible, mais qu’elle constitue un passage bizarre
du non-savoir au savoir, où coexistent sens et non-sens. Mon travail
tente de renégocier ce paradoxe. Ces images incomplètes testent celui
qui les regarde, l’entraînent à essayer de saisir le monde dans lequel
il habite.
Ces deux images présentent un couple au lit et une
femme attablée, coupant des tomates. Pourquoi avoir choisi de mettre en
scène des moments de la vie quotidienne ?Il s'agit de faire
vaciller l’idée préconçue de vie quotidienne. En dé-contextualisant ces
scènes et en leur ôtant leur dimension banale et triviale, le familier
se trouve soudain confronté à l’inconnu de ce vide blanc. Mon objectif
est d’établir un espace fictionnel pour créer une tension inconfortable,
un sentiment d’étrangeté qui met des points d’interrogation sur ce qui
est considéré normalement comme acquis.
Regarder de plus près
et plus longtemps ne donne pas accès à davantage de compréhension de
l’image, mais plutôt à une sorte d’éblouissement. Est-ce que cette
résistance de l’image à se révéler, cette tension et ce mystère
persistant parlent de la nature de la photographie : une totale énigme
drapée dans une illusion de vérité ?Mon travail explore les
limites perceptives de la photographie. Mes images franchissent un
seuil, celui où la vraisemblance du médium est contredite par cette
blancheur envahissante. Un voile blanc opaque couvre le personnage et
son environnement. Cette blancheur, cependant, est le résultat
d’interventions physiques telles que l’utilisation d’une machine à fumée
ou un excès volontaire de lumière (surexposition) – la combinaison de
ces deux interventions rend paradoxalement tangible l’étrangeté de cette
luminosité et l’absence d’information. Cette blancheur est en fin de
compte un motif visuel, masquant et réduisant la possibilité d’une
interprétation claire de l’image. La photographie se déplace alors vers
un médium non-indexé sur le réel, produisant un effet de trompe-l’œil
permis, étonnamment, par le processus photographique. Cette ère digitale
que nous vivons aujourd’hui nous entraîne à repenser complètement la
notion de photographie comme synonyme de réalité et engage le médium
vers de nouvelles contrées.
Édition limitée, numérotée et signée par l’artiste.